Sagesse de Saint Benoit (octobre-novembre) : Le moine est content en tout
Le moine est content en
tout
(RB 7)
La vie bénédictine est une école
du bonheur. Mais, comment définir cette joie tranquille qui habite les fils de
Saint Benoit ?
La règle ne cache pas que le
chemin qui va à Dieu est « dur et âpre » (RB 53), et la « porte
qui mène à la vie est étroite » (prol.) Le moine n’est pas à l’abris
des souffrances inhérentes à toute vie. Or, dit le chapitre 7 de la Règle,
« le moine est content en tout », et « dans tout ce qui lui est
enjoint il se considère comme un mauvais et indigne ouvrier », disant avec
le prophète : « je suis réduis à rien, je ne sais rien, je suis
devant vous comme une bête de somme, mais je suis toujours avec vous ».
Contradiction apparente qui
demande une étude approfondie de cette joie bénédictine et qui mènera à toucher
le paradoxe évangélique des béatitudes.
La règle parle de la joie tout au
long du cheminement du moine : joie du débutant qui entend pour lui
l’annonce du salut, joie de pérégriner avec des frères vers le Seigneur, joie
d’arriver un jour au Royaume.
A l’aide de parallèles dans
l’Evangile, parlons d’abord de la joie de l’appel et de la joie de la vie
future, puis traitons avec précaution de la joie dans la foi au milieu des
aléas de la vie.
1.Joie d’entrer dans le chemin du Salut
Dans la Règle de Saint Benoit : la vocation et la promesse de la joie :
Ecoutons l’appel du Père plein de tendresse.
Quel est l’homme qui veut la vie et qui désire voir des jours heureux ?...
Quoi de plus doux mes frères que cette voie du Seigneur qui
nous invite ? (Prologue)
Dans l'Evangile : la Bonne Nouvelle et l’entrée dans la joie du
salut :
Tu auras joie et
allégresse et beaucoup se réjouiront de sa naissance. (
A la vue de l’astre, les mages furent remplis de joie. (mt2, 10)
Réjouis-toi Marie ! (...) L’Esprit Saint viendra sur toi et la Puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre. (lc1, 28-35)
L’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi ! (Lc1,44 )
2. Le bonheur eschatologique comme but ultime du salut :
Dans la Règle de Saint Benoit :
Tu mériteras de parvenir avec Lui
dans son Royaume. (Prologue)
Ni l’œil n’a vu, ni
l’oreille n’a entendu ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment. (RB 4)
Dans l' Evangile :
Venez les
bénis de mon Père, recevez le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du
monde. (
je vous verrai de
nouveau et votre cœur se réjouira, et votre joie personne ne vous l’enlèvera. (
Entre dans la
joie de ton Maitre ! (
3. La joie du pèlerinage
Dans la Règle de Saint Benoit :
Tout le long de la Règle le moine
est exhorté à bénir Dieu. Saint Benoit
ne veut « rien instituer de rigoureux ni de pénible » (prologue).
L’Abbé, le cellérier, le
cuisinier, l’infirmier : tous doivent anticiper et organiser pour qu’il n’y
ait aucun murmure ni signe de mécontentement parmi les frères. Et si malgré
leur soin, les moines doivent supporter une pénurie quel qu’conque ou porter
des habits grossiers, ils sont invités à rendre grâce à Dieu (RB 33,39, 40,
55...).
Le chapitre 7ième
de l’Humilité va faire allusion aux peines et difficultés rencontrées dans les
rapports humains : « tu m’as fait tomber dans le filet, tu m’as mis des
hommes sur ma tête », le moine se voit aussi comparé à « une bête de
somme ». Cette fameuse « bête
de somme » décrite par le psaume 72 est la traduction de
« Béhémoth » qui veut dire « chef d’œuvre de lourdeur » (Job40,
15). Le moine se contente de son travail sans chercher à se valoriser. Il
accepte les désagréments de la vie commune, de l’obéissance, du travail pénible...
car il vit alors encore plus la proximité avec Jésus souffrant et
mystérieusement goute la joie de sa proximité. A « l’école du service du
Seigneur » (prologue), Il apprend « à donner avec joie » (RB 5)
Il y a dans la vie du moine un
temps spécialement joyeux : celui du Carême... « De leur propre
mouvement, dans la joie du Saint Esprit, qu’ils retranchent quelque chose sur
la tâche ordinaire de leur service (...) et qu’ils attendent la Sainte Pâques
avec l’allégresse d’un désir tout spirituel » (Chapitre sur l’observance
du Carême). Cette joie qui se vit dans l’ascèse est donc forcément un don du
Saint Esprit qui nous donne envie de monter vers Pâques.
Donc : « Gardes toi de
fuir car à mesure que l’on avance dans les bonnes œuvres et dans la foi, le
cœur se dilate et on se met à courir (...) avec une grande douceur
d’amour ». (Prologue) Ainsi agissent ceux qui sont pressés d’obtenir la
vie éternelle (RB 5).
Dans l' Evangile :
Les premiers pérégrinants ont vu le Seigneur, et entendu la voix de
l’Epoux :
Notre cœur
n’était-il pas tout brûlant au dans d nous tandis qu’il nous parlait en chemin. (
Les
disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.(
Pleines de joie, elles
coururent porter la nouvelle.
Ceux qui ont vu l’Epoux transmettent la joie à toute l’Eglise. Tous
peuvent partager cette joie en devenant disciple du Christ :
Heureux ceux qui
croient sans avoir vu ! (
La joie va motiver les renoncements :
Sachant cela, heureux êtes-vous si vous le faites ! (
Dans sa joie, il
vend tout et achète le champ.
Les mêmes paradoxes vont
apparaitre (
Heureux les
persécutés pour justice (...) Heureux êtes-vous quand on vous insultera (...)
Soyez dans la joie et l’allégresse
Heureux celui qui
ne trébuchera pas à cause de moi. (
Dans l'enseignement de l'Eglise
Catéchisme de l’Eglise Catholique :
N°30 :« Joie pour les cœurs qui cherchent Dieu » (Ps105, 3). Si l’homme peut oublier ou refuser Dieu, Dieu, Lui ne cesse d’appeler tout homme à le chercher pour qu’il vive et trouve le bonheur. Mais cette quête exige de l’homme tout l’effort de sa volonté, la rectitude de sa volonté, « un cœur droit » ... Saint Augustin : « tu nous a fait pour Toi Seigneur et notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose en toi ».
Benoit XVI : Viens Esprit Saint
L’ami perdu est de retour (...)
il remonte de la nuit de la mort : « Les disciples furent remplis de
joie » : ce n’est pas n’importe quelle joie, mais c’est celle du
Saint Esprit. Oui, il est beau de vivre par ce que je suis aimé, cet amour me
protège et me porte (...) Le Saint Esprit est le souffle de Jésus Christ. (Ils
agissent ensembles) au cours de la Création et de la Rédemption : à partir
d’homme collés à la glaise, recroquevillés sur eux-mêmes et incapable de se
redresser le souffle de Dieu fait des vivants, des vrais disciples.
P Spick : textes extraits de la théologie morale du Nouveau testament
Le croyant d’aujourd’hui est le glorifié de demain. Il occupe son esprit et son cœur de ce qui sera un jour sa vraie vie, On le compare à une fiancée réfléchie, attendant avec une fidélité sans défaillance la venue de l’Epoux.
Entrer dans un chemin de Résurrection, c’est prendre le chemin des Béatitudes. La joie du salut l’emporte sur les tribulations. Peu importe les conjonctures plus au moins dramatiques dans lesquels se déploient toutes vie chrétienne, la joie est le don inamissible du disciple. C’est une joie d’espérance, le bonheur promis est si magnifique et si fortement garanti qu’on en savoure l’avant gout dès ici-bas. La vocation chrétienne est un appel au bonheur, l’apôtre parle de « bienheureuse espérance » (Tit2, 13). La foi qui nous l’assure engendre un sentiment de plénitude. (...)le bonheur de se savoir sauvé.
Or la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume, il faut marcher selon l’Esprit, et avec lui être fécond et efficient :
« Heureux êtes-vous si vous le faites ! » (Lc11, 28). C’est lui qui donne l’aisance, la dilatation, met à l’aise, donne de respirer largement, dans un climat tonique de grand air et de bien être : « là où est l’Esprit, là est la liberté » (2Co3, 17)
La vie devient une métamorphose rajeunissante, source de bonheur...