S’unir à notre prière

Horaires des offices

Vous pouvez vous associer à la prière des moniales en participant à la messe – célébrée dans la forme extraordinaire du rit romain – ou à un office chanté en grégorien.

 Dimanche & fêtesEn semaine
Laudes7h307h
Tierce & Messe 11h
(ou 10h45 aux fêtes solennelles)
11h
(parfois à 8h30)
Vêpres17h30
avec Salut du Saint Sacrement
18h
Complies20h1520h15

Le vendredi, de Vêpres à Complies : exposition du Saint Sacrement.

Vous pouvez confier à la prière de la communauté des intentions particulières, que les moniales recommanderont à l’intercession de Notre-Dame de Miséricorde.

Merci de nous communiquer ces intentions par courrier, par téléphone, ou par le formulaire ci-contre. Vous avez aussi la possibilité de déposer un billet anonyme d’intentions, dans une boite, à l’entrée de l’église.

Des intentions de messe peuvent être confiées au célébrant qui peut joindre cette intention particulière à l’intention générale du sacrifice de la messe, offert pour tous.

L’honoraire de messe qui est demandé est destiné à assurer les frais de culte et la vie matérielle des prêtres et de l’Eglise.

Pour toute demande d’intentions de messe célébrée à l’abbaye, merci de bien vouloir l’adresser à la porterie du monastère.


Pour les événements particuliers, consultez notre agenda

"Livrons-nous à la psalmodie de telle manière que notre esprit soit d’accord avec notre voix."
RB ch. 19

Confier une intention de prière

Homélies

MÈRE MARIE-BÉATRICE, osb
24/05/1955 – 28/02/2023


« Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens… » (Ct 2, 10)
Ma Très révérende Mère, mes soeurs,
Mes très révérends Pères abbés,
Chers frères dans le sacerdoce,
Chers frères et soeurs dans la vie religieuse,
Chers frères et soeurs,
Ainsi notre bon Seigneur est venu frapper à la porte du coeur de Marie Béatrice, murmurant dans le silence de ses derniers instants de vie sur terre ces paroles du Cantique des Cantiques : « Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens… »
Ainsi, soeur de clôture ou soeur de sang, notre soeur de coeur à tous s’en est allée, après un courageux combat contre la maladie, et au terme fixé par Dieu de sa persévérante recherche de Dieu voulu et aimé pour Lui-même, en réponse à l’amour inconditionnel de Dieu pour elle.
Ce n’est pas un secret : elle attendait cette heure avec l’impatience qu’on lui connait, pas tant pour échapper aux souffrances qui lui faisaient peur (comme elle me le confiait avec son humilité désarmante), que parce que cette heure était celle du voile qui enfin se déchire.
Elle a grandi tout au long de ces mois dans la conscience que cette année était pour elle un cadeau de Dieu. En fille de Saint Benoît, elle avait présentes à l’esprit les paroles de la Sainte Règle :
« Écoute, mon fils, les préceptes du maître et tends l’oreille de ton coeur. Reçois volontiers l’exhortation d’un père si bon et mets-la en pratique, afin de revenir par le labeur de l’obéissance à celui dont t’avait détourné la lâcheté de la désobéissance. 3 À toi, qui que tu sois, s’adresse à présent ma parole, à toi qui renonces à tes volontés et prends les armes très puissantes et glorieuses de l’obéissance pour combattre au service du Seigneur Christ, le vrai roi. (…) » Règle de Saint Benoît, prologue.
Sa maladie est devenue parole de Dieu, l’appelant à entrer plus avant dans la « conversio mororum » dont elle a fait profession il y a presque 44 ans.
Elle avait une vive conscience de ses limites (mais c’est notre nature d’être limités !). Elle acceptait que le divin sculpteur taille et martèle les aspérités de son caractère que nous savions bien trempé, bien tenace, pour le lisser, le polir et enlever tout ce qui n’était pas Dieu dans son coeur. Prions pour que la miséricorde divine achève en elle ce qui resterait à purifier pour qu’elle puisse entrer à jamais dans la clôture du bon Dieu et y chanter, avec sa voix et son coeur renouvelés, l’alléluia éternel.
Sa vocation a été contemplative. Mais elle ne l’a pas empêchée de parler ! Son intérêt pour tous et pour tout était manifeste. Cependant, au fil des mois, sa conversation devenait toujours davantage transmission de sa contemplation.
Son rayonnement en était le fruit. Dans votre communauté, tout d’abord, mais aussi plus largement. La responsable de l’aumônerie de l’hôpital me confiait qu’elle laissait derrière elle un sillon de lumière et de grâce. C’est cette aide-soignante qui demandait le baptême, cette infirmière qui souhaitait régulariser son mariage. Je confesse que j’ai fait une belle entorse à la liturgie lorsque, célébrant la messe dans sa chambre, il y a dix jours, une infirmière entre pour lui dire au revoir. Entre la lecture et le psaume, elles ont échangé quelques mots, l’émotion était palpable. Nous ne saurons jamais ce que Marie Béatrice aura pu leur dire, et peu importe, c’est Dieu qui oeuvrait dans les coeurs à travers Marie Béatrice, et la charité divine qui passait à travers son coeur de plus en plus transparent à l’action de la grâce dans l’âme de ceux qui l’approchaient.
Aujourd’hui, par sa mort même, Marie Béatrice nous parle encore de la part de Dieu.
Certes, l’aiguillon nous blesse, car la mort est toujours un aiguillon. Elle est un mystère. Elle est aussi parole silencieuse de Dieu.
La poète Marie Noël écrivait, avec son réalisme coutumier empli de foi :
« Personne n’a jamais su, ne sait, ne saura jamais ce que mort est.
Ni Dieu, qui ne meurt point.
Ni les vivants qui ne sont pas morts encore.
Ni les morts qui sont morts, mais parce qu’ils sont morts, ont perdu connaissance.
Seul Jésus-Christ ressuscité… Mais il s’est tu. » Cit. in « au péril de la nuit », François Marxer,
Par la puissance rédemptrice du Christ, de malédiction qu’elle était, la mort est devenue une grâce d’une sainte contagion. Elle est un moment de la vie, de notre vie à tous. Et chaque mort nous replace immanquablement face à ce mystère, qui trouve en Jésus Christ et en lui seul sa vertu salvatrice. Et ainsi de toutes les petites morts qui jalonnent notre vie. Saint Ambroise écrivait à ce sujet :
« Aussi cette mort est-elle un passage pour tous les hommes. Il faut que tu passes constamment : passage de la corruption à l’incorruption, de la mortalité à l’immortalité, des agitations à la tranquillité. Ne sois pas heurté par le nom de la mort, mais réjouis-toi pour les bienfaits d’un heureux passage. Qu’est-ce que la mort, sinon l’ensevelissement des vices, le surgissement des vertus ? » Homélie de Saint Ambroise sur le bien de la mort
La mort de Marie Béatrice nous dépouille, nous aussi, de l’affection que nous lui portions, non point pour l’anéantir, mais pour la transfigurer.
Nous ne sommes pas seuls. Tous les saints sont là, connus de nous ou de Dieu seul. La veille même de sa mort le 6 aout 1978, dans une magnifique méditation sur sa propre mort qu’il devinait imminente, Saint Paul VI disait, parlant de l’Église qu’il a aimée et servie comme Souverain
Pontife :« je ne la quitte pas, je n’en sors pas, mais je m’unis et me confonds plus et mieux avec elle : la mort est un progrès dans la communion des Saints. » Pensées
Nous ne sommes pas seuls… L’évangile nous dit que la Vierge Marie était au pied de la croix. Elle est toujours au pied de nos croix.
Stabat Mater… Reine du ciel et modèle accompli des religieux, la Vierge était là, discrète comme toujours, mais puissante aussi, dans sa cellule, dans sa chambre de malade, veillant sur sa fille bien-aimée, offrant à son divin Fils les souffrances de son enfant.
Stabat Mater dolorosa… La Vierge Mère est là, que Marie Béatrice a si souvent invoquée sous les beaux noms de Notre Dame de Fidélité d’abord, puis de Notre Dame de Miséricorde. Est-il plus puissante intercession au moment de passer de ce monde vers le Père ? Elle est là, bien présente parmi nous ici dans cette liturgie.
Stabat Mater juxta crucem… Priante et douloureuse ô combien ! Elle comprend, mieux encore que nous-même, notre douleur, et nous entraîne par l’exemple de sa Foi pure et son Espérance parfaite, nous enveloppant de son grand manteau de douceur et de maternelle protection, à l’image de la saisissante statue qui préside le choeur de cette abbatiale.
Stabat Mater. Qu’à sa prière, nos larmes scintillent de notre Espérance.

Homélie du Père Raphaël d’Anselme lors de la messe des obsèques
de Mère Véronique Marie, le 30 mai 2022

Au nom du Père et du Fils et du saint Esprit
C’est au matin de l’Ascension que Sœur Véronique Marie entrait dans son éternité.

Elle nous rappelle par cet événement qui a lieu le jour de l’Ascension du Seigneur que le but de notre existence, c’est le Ciel.

Nous sommes faits pour cela, Dieu nous a créés pour aller au ciel.

Bien sûr, nous connaissons les moyens par la grâce, par les sacrements, par la foi et par les vocations que le Seigneur nous invite à vivre, pour les uns dans le sacrement du mariage, pour d’autres dans le célibat soit dans le monde, soit le célibat consacré.

Ainsi le Seigneur a appelé Véronique à Le suivre dans la vie consacrée bénédictine, ici à l’abbaye Notre Dame de Miséricorde de Rosans. D’abord, elle est entrée à Jouques, puis ensuite, elle est venue ici.

Oui, Véronique, vous avez dit : oui, vous avez fait l’offrande de vous-même pour être l’épouse du Christ dans le don total de votre vie, dans cette réponse d’amour au Seigneur.

Oui par cette vie dans le Christ vous avez voulu accomplir le but de notre existence, c’est à dire rendre Gloire à Dieu en toute chose.

Et vous l’avez fait par ces trois vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance.

Oui, vœux de pauvreté. Vous avez tout donné au Christ sans que rien n’entrave la disponibilité de votre cœur, abandon total dans les mains du Seigneur, confiance en sa Providence divine, esprit de serviteur, de servante dans la vigne du Seigneur

Ensuite vous avez vécu ce don de la chasteté aussi : belle aventure de la virginité consacrée dans les vœux que vous avez prononcés.

Oui, vous avez été choisie par le Seigneur et vous avez répondu pour être son épouse, totalement donnée à Lui pour porter une fécondité spirituelle pour l’Église et pour le salut de tous nos frères.

Oui, une disponibilité totale dont vous avez témoignée au Seigneur pour vivre cette vraie maternité spirituelle dans l’Église et spécialement pour les prêtres.

Nous pouvons en témoigner dans notre famille. Ce don est un témoignage puissant de la présence de Dieu, parmi les hommes, qui accueille cette offrande de votre vie et que le monde malheureusement ne reconnaît plus.

Vous avez vécu aussi ce vœu d’obéissance :
Remettre sa volonté propre entre les mains de votre supérieure, suprême abandon, de cette faculté supérieure de notre âme qu’est la volonté, à l’imitation de Notre Seigneur Jésus Christ qui à dit « Me voici O Père pour faire Ta volonté ».

Mourir à sa volonté propre, pour entrer de plein pied dans la volonté divine exprimée par la règle de Saint Benoît et par la Volonté de l’Église.

Oui, en ce jour où nous célébrons vos obsèques, Chère Véronique, jour de fête de Sainte Jeanne d’Arc, vous avez vécu ce martyre de l’âme, ce sacrifice d’agréable odeur au Père éternel, la plus belle des offrandes qui glorifie pleinement Dieu, pour permettre alors que le Christ vive totalement en nous et pour continuer en nous son œuvre de rédemption pour le salut des âmes. Être une humanité de surcroît dans le Christ.

Oui, Véronique, vous vous êtes offerte dans vos vœux solennels du 8 septembre 1984 et le Christ a accueilli votre sacrifice.Ensuite, Il vous a demandé de monter avec Lui sur la Croix.

Dans ces nombreuses années de souffrance, vous avez voulu vivre pleinement cette épître,
Vous ne viviez plus pour vous-même, vous ne mourriez plus pour vous-même, vous avez vécu pour le Christ, vous êtes morte pour le Christ parce que vous appartenez au Seigneur.

Dans une fidélité constante et totale, vous l’avez dit à votre sœur avant de nous quitter, un message fort, message fort pour nous, pour notre famille, pour tous ceux qui vous ont rencontrée, pour le monde d’aujourd’hui qui pense que le monde est sauvé comme cela, et pourtant, non, nous passerons tous devant le Seigneur et nous rendrons compte tous de ce que nous avons vécu pendant notre vie.Vous avez pris au sérieux cette parole, c’est pourquoi dans la joie de votre réponse jour après jour, vous avez donné votre « fiat » au Seigneur, et cela toujours avec le sourire, c’est ce qui vous marquait le plus.

Oui,vous êtes restée en tenue de service, la ceinture aux reins, la lampe allumée par amour du Seigneur.

Toujours dans la veille car vous saviez que le Maître allait venir.

C’est pourquoi aujourd’hui dans cette messe de Requiem, nous implorons le Seigneur de vous faire Miséricorde pour toutes les faiblesses et offenses faites. Et je sais que vous avez une grande dévotion à Saint Jean-Paul II qui nous a donné la dévotion à la divine miséricorde.

Que le Christ que vous avez chanté chaque jour dans l’office divin ici-même,
Que vous avez reçu chaque jour dans la très sainte communion,
Que vous avez servi chaque jour dans cette vie consacrée au Seigneur,
Que le Christ par son Sacrifice versé sur l’autel qui va être rendu présent
Vous revête alors, nous le demandons avec ardeur, du vêtement des noces.

Ayant ainsi offert pour les prêtres et pour l’Église votre vie, que toutes les messes qui seront dites pour le repos de votre âme vous donnent la grâce de miséricorde du Seigneur pour que bien vite vous chantiez éternellement la gloire de Dieu, auprès du Seigneur, et que vous intercédiez pour nous tous, pour l’Abbaye, pour toutes les bénédictines, pour toutes nos familles et pour tous ceux qui vous invoqueront.

Au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit. Amen.
PÈRE RAPHAËL d’ANSELME

Homélie du Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire de Notre Dame du Laus
Le 9 ma i 2022

Mes Sœurs, ma présence parmi vous au jour de mon anniversaire de sacerdoce est pour moi l’occasion de vous faire part de l’une des plus belles découvertes de ma vie presbytérale : c’est le lien profond qui unit les prêtres et les religieuses.

Une forme de complicité, de connivence, que j’ai expérimentée dans de nombreuses collaborations paroissiales et diocésaines avec des religieuses. Je la vis au quotidien depuis 12 ans à Notre-Dame du Laus ; mais j’en perçois aussi la force et les fruits dans mes liens avec certaines communautés religieuses, dont la vôtre, bien sûr. C’est pourquoi ma venue parmi vous aujourd’hui m’a conduit à m’interroger sur la nature de ces liens qui unissent particulièrement prêtres et consacrées.

Une connivence qui ne tient sans doute pas seulement à une efficace répartition des tâches pour la mission : les prêtres en première ligne, au front de la vie du monde ; et vous, en retrait, assurant comme la base arrière nécessaire au combat qui durera jusqu’au retour du Christ en Gloire.

Il y a bien quelque chose de cet ordre dans la complémentarité de nos vocations, mais je crois que notre complicité spirituelle va puiser sa force dans un mystère plus fondamental encore. J’en repère alors 3 grandes caractéristiques.

* * *

La première, c’est que votre vie consacrée vise d’abord à vous laisser aimanter par le Seigneur Jésus. Ainsi orientées, vous reliez le monde entier à sa Source et vous aidez particulièrement les prêtres à ne jamais s’en détourner. Pour notre part, en vous apportant le Christ dans les sacrements, nous vous donnons l’Eau vive de cette Source à laquelle vous allez puiser ; et ainsi, nous nous abreuvons mutuellement afin d’irriguer le monde !

Votre mission est alors vraiment précieuse, pour nous, les prêtres, qui pouvons souvent être en tension entre un ministère où nous donnons le Christ et un cœur sacerdotal qui peut oublier de battre au rythme de son propre cœur. Car la tentation est grande de faire insidieusement du ministère presbytéral une sorte de métier, dans lequel on peut acquérir des compétences et consacrer généreusement toute son énergie, mais en oubliant la Source à laquelle aller puiser sans cesse.

Et vous voilà, comme des « provocatrices », qui nous rappelez que rien n’est possible, si ce n’est le Seigneur qui nous façonne. Je crois alors que la vie consacrée m’a aidé à saisir, au fur et à mesure du temps, que l’évangile n’appelle pas tant à donner qu’à recevoir. Ou plutôt, à recevoir pour s’assurer de donner Celui qui nous fait vivre, et non de donner notre seule bonne volonté. C’est du Christ dont le monde a besoin ; c’est du Sauveur qu’il est assoiffé, souvent sans le savoir ; c’est donc le Seigneur, et non nous-même, qu’il faut donner au monde.

J’en suis alors convaincu : par votre vie consacrée, vous m’aidez, et par ma vie presbytérale, je peux vous aider, afin que nous vivions ensemble, toujours plus consciemment, ce que saint Bernard disait de tout chrétien : « Nous sommes comme des vasques, nous ne pouvons donner que ce qui déborde. » Je rends alors grâce pour le mystère de mon Sacerdoce, par lequel le Christ peut vous apporter l’Eau vive venant remplir vos vasques intérieures ; et je rends grâce pour le mystère de vos vies consacrées, par lequel le débordement de vos vasques intérieures abreuve du Christ ma propre vie presbytérale !

Des vasques intérieures féminines, tellement complémentaires des vasques masculines que sont les prêtres ; en cela aussi, nous manifestons dans cette complémentarité quelque chose du projet de Dieu, dans notre monde qui veut gommer les différences entre les femmes et les hommes.

* * *

La deuxième caractéristique des liens profonds qui nous unissent, c’est notre complicité dans les conseils évangéliques de chasteté, de pauvreté et d’obéissance. J’avoue ne jamais avoir bien compris la distinction entre les « vœux » que vous formulez lors de votre profession religieuse et les « promesses » auxquelles le prêtre s’engage à son ordination diaconale ; comme si vous aviez à vivre à fond ces conseils ; alors que nous, prêtres, nous aurions à les vivre un peu moins… Étonnante distinction au regard de la radicalité évangélique !

Je crois plutôt que votre manière de vivre les conseils évangéliques est une interpellation lancée au monde et particulièrement aux prêtres ; tandis que les prêtres ont auprès de vous la mission essentielle de prêcher ces conseils évangéliques pour que vous n’en perdiez jamais ni le sens ni le désir de les pratiquer sans réserve.

1) Ainsi pour l’obéissance : chez le prêtre, elle peut se diluer par la distance avec l’évêque, ne conduisant plus qu’ à obéir lorsque ça va dans le sens de ce qui nous convient, donc en fait à ne plus obéir du tout.

Chez vous, l’obéissance est forcément de proximité. Vous nous aidez alors à saisir que c’est une réalité de chaque instant. Mais vous pouvez aussi vivre l’obéissance sans y mettre votre cœur, sans renoncer profondément à la tentation d’exister par vous-même. Et voilà que, par le seul fait qu’il est là parmi vous, le prêtre est signe du Christ présent dans vos vies, vous rappelant à qui elles doivent appartenir totalement.

2) Par le vœu de pauvreté, c’est encore autre chose que nous partageons : la radicalité de votre vie sans rien posséder en biens propres aide les prêtres à ne pas se laisser séduire par les réalités mondaines.

De son côté, le prêtre pris dans le tourbillon du monde vous appelle à ne jamais faire de votre pauvreté un refuge confortable. Car en fait, au monastère, vous ne manquez essentiellement de rien. La tentation est alors grande de prendre le chemin d’une vie tranquille, alors que le Christ nous appelle non pas à la tranquillité mais à la fécondité.

C’est justement cette fécondité que le prêtre ne cesse de raviver en vous par sa mission de proclamer la Parole et de la prêcher, afin que cette Parole vous rejoigne dans une terre intérieure disponible ; et par le sacrement du pardon, la rendre neuve à chaque fois pour une fécondité inédite.

3) Par notre chasteté enfin, prêtres et religieuses, nous partageons aussi une forme de pauvreté : Celle d’un cœur qui a renoncé à l’amour exclusif d’une personne humaine et d’un corps qui a renoncé à être touché par un autre corps, pour ne vouloir de corps à corps que Celui de l’Eucharistie.

Ainsi, par le simple fait que vous soyez là, vous êtes en chair et en os des prophéties du Royaume qui vient et vous rappelez aux prêtres qui pourraient s’égarer quelle est la « meilleure part » choisie par la sœur de Marthe ; ou quel est « le nécessaire » abandonné par la pauvre veuve dans son obole au temple.

Et nous, les prêtres, nous faisons venir le Christ sur l’Autel de votre chapelle, pour qu’il vienne ensuite dans vos corps et dans vos âmes comme Celui qui rassasie tout.

* * *

La troisième caractéristique que j’ai repérée dans les liens profonds qui unissent les religieuses et les prêtres, c’est ce que vous nous apportez en tant que communauté.

Dans le mystère du prêtre et le concret de sa vie, il y a une grande part de solitude. Solitude que le prêtre ressent, non pas tant dans ses activités où il est souvent très entouré, que dans le mystère de sa vocation où il est seul à l’autel, seul à prendre la parole dans la prédication, seul comme Jésus à Gethsémani.

Votre vie ne vous prive bien sûr pas de solitude, et nous sommes en communion aussi par cela. Mais votre vocation est par essence communautaire, rappelant sans cesse au prêtre le mystère de l’Église-Communion, pour nous faire aimer ce mystère. Non pas que votre vie ensemble soit le paradis sur Terre – je connais désormais trop la vie religieuse pour le croire encore – mais justement, vous vivez concrètement la folie d’un quotidien ensemble malgré toutes vos différences, pour que cette folie soit un reflet de celle de la croix, où tout est ordonné à la communion de l’humanité avec son Dieu et tous ensemble.

En cela aussi, se vit entre nous une grande complicité : prêtres et religieuses sont au pied de la croix, comme la Vierge Marie et saint Jean, dans une solitude et une communion à la fois.

* * *

Alors, mes sœurs, si j’ose aujourd’hui demander un petit cadeau d’anniversaire, ce serait celui-ci : que vous aimiez toujours plus la vocation à laquelle vous avez répondue ! L’aimer comme la Vierge Marie, s’émerveillant du mystère qui l’habite et du choix dont elle a bénéficié : « Mon âme exalte le Seigneur… il s’est penché sur son humble servante ».

Les humbles servantes que vous êtes et le pauvre servant que je suis trouvent donc en Marie la raison la plus profonde de leur complicité spirituelle et fraternelle : celle qui nous fait chanter ensemble : « mon âme exalte le Seigneur », comme une grande et belle préparation à ce que nous sommes appelés à proclamer d’une seule voix dans l’éternité bienheureuse, où notre complicité ne sera pas plus qu’une grande adoration partagée !
Amen.

Homélie prononcée
par le Très Révérend Père Dom Jean Pateau
Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
pour la profession de Sœur Raphaëlle,
en la solennité de ST Joseph
Rosans, le 19 mars 2022

Cher Monseigneur,
Mes Très révérendes Mères, Mes bien chères Sœurs,
et vous particulièrement, qui allez émettre vos vœux solennels de religion et recevoir la consécration des vierges,
Chers Frères et Sœurs,

C’est en la solennité bien aimable d’un saint particulièrement silencieux, un saint dont nous ne savons presque rien que vous allez ma sœur, prononcer une parole. Audace rebelle ou sainte audace ? Peut-être audace tout à la fois sainte et rebelle. Dire quelques mots devant Dieu, prendre en quelque sorte la vie que vous avez reçue gratuitement de ses mains en vos mains et la redéposer gratuitement devant lui sans rien vous réserver. Cette vie, vous voulez la donner pour les prêtres. Devenir épouse et aimer pour ceux qui n’aiment pas. Cette vie vous voulez aussi la consumer, jour après jour, dans l’office choral et dans la vie fraternelle ici, à Notre-Dame de Miséricorde de Rosans pour qu’elle ressuscite un jour dans la gloire, dans la liturgie céleste, celle qui ne finit pas, celle à laquelle nous aspirons.
Ces mots que vous allez prononcer, d’autres les ont prononcés avant vous. Parmi eux, il y a Marie, il y a Joseph. Comme il est grand l’être humain quand il use de sa parole comme en écho à la pensée et à la parole de Dieu.
D’ici quelques jours, nous entendrons Marie à Nazareth : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » (Lc 1,38) Quelle est cette parole, si ce n’est celle qui vient de Dieu et qui rend possibles toutes choses impossibles.
Cette parole qui vient de Dieu, saint Joseph l’a reçue aussi en son cœur. A la suite d’Abraham, il a espéré contre toute espérance, il est demeuré ferme dans la foi. Quelle leçon pour nous. Sans aucun doute, sa vie en présence de Jésus et de Marie ne devait pas être difficile, mais sa fidélité a été mise à l’épreuve par la méchanceté de l’homme, par le plan de Dieu aussi : une fiancée enceinte, une naissance lors d’un recensement, la fuite imposée devant un roi cruel, la disparition de l’Enfant Jésus lors du pèlerinage à Jérusalem. Il est pourtant demeuré le fidèle serviteur.
L’humble Joseph était comme caché dans les événements. En relisant les évangiles de l’enfance, on est frappé de voir comment c’est à la Providence seule qu’il revient de disposer toutes choses. Saint Joseph et Marie se bornent à entrer dans son plan. Ils sont abandonnés dans une parfaite obéissance, et cette obéissance devient féconde d’une fécondité qu’aucune intelligence humaine n’aurait pu soupçonner. Bien loin d’une soumission aveugle, Joseph et Marie trouvent leur grandeur dans l’accueil généreux du plan divin. En cela saint Joseph mérite bien le titre de fidelis servus : serviteur fidèle.
L’instant présent peut être lieu de révolte, lieu de remords. Joseph et Marie nous apprennent à l’accueillir comme don de Dieu. Ils nous invitent à demeurer ouvert à l’imprévu de Dieu. Alors, l’instant présent devient fécond.
Mais pour accueillir, il faut savoir écouter. N’est-ce pas le premier mot de notre Règle : « Écoute, ô mon fils, les préceptes du maître, et incline l’oreille de ton cœur » ? L’écoute de Dieu se fait dans le silence. Et Mère Teresa affirmait : « Le fruit du silence est la prière. Le fruit de la prière est la foi. Le fruit de la foi est l’amour. Le fruit de l’amour est le service. Le fruit du service est la paix… L’important, ce n’est pas ce que nous disons, mais ce que Dieu nous dit, et dit à travers nous ».
Ce lien particulier qui se noue aujourd’hui entre vous et saint Joseph incline à mettre votre vie de moniale contemplative sous sa protection particulière. L’Église invite à confier à son intercession les choses qui nous sont impossibles. Saint Joseph demeure puissant en prière et en œuvre : ora et labora.
Le père de la sainte famille fut aussi le contemplatif silencieux du mystère de Dieu qui s’accomplissait devant lui en Marie et en Jésus, Dieu lui-même. Il est un maître aussi pour qui veut contempler le mystère de la présence de Dieu à l’œuvre dans le prochain, de façon certes moins lumineuse mais tout aussi vraie.
Avec le premier péché, le regard de l’homme s’est comme brouillé. Il ne sait plus reconnaître la présence de Dieu dans la création et dans les créatures. Il ne sait plus s’émerveiller. La haine, les guerres étendent leurs traînes sur la terre et sur tant de familles. Qu’est donc devenu l’émerveillement de Dieu aux premiers pas de l’homme ou encore celui d’Adam qui reconnaissait en Eve « l’os de ses os et la chair de sa chair. » Rendons grâces pour tant de dons inestimables reçus par l’intermédiaire de ceux qui nous ont précédés dans la foi et qui nous ont ouverts à la connaissance et à l’amour de Dieu.
La rencontre avec la sainte famille apparaît comme une bouffée très pure de cet air venu des montagnes et que vous connaissez bien. Elle nous plonge dans l’océan de l’amour divin et comme par l’effet d’une mystérieuse poussée d’Archimède, notre cœur devient plus léger. A l’école de la sainte famille, nos communautés, nos familles aspireront à lui ressembler. Cette humanité de surcroît que vous voulez, que nous voulons offrir comme lieu de repos pour Jésus en nous-même s’étend à nos familles et à nos communautés qui deviennent pour lui une famille de surcroît, une communauté de surcroît, un nouveau Nazareth.
L’Ange nous adresse et vous adresse ce matin les paroles entendues en songe par saint Joseph : « Ne crains pas. » Vivons tous à leur lumière dans une docilité renouvelée aimante et généreuse, dans une contemplation pai-sible, le chemin de conversion auquel Dieu nous appelle.
Oui, Frères et Sœurs, mais vous, mes Sœurs, vous le savez bien, toute sainteté grandit dans la durée et il n’en va pas autrement de la sainteté monastique. Il ne suffit pas de franchir les portes d’une clôture pour être un saint ou une sainte. Non ! Il faut durer dans l’ouverture du cœur et la relation filiale à son Abbé, à son Abbesse ; durer dans le creuset de la vie fraternelle ; durer encore dans la fidélité au quotidien. Remettre à demain une rencontre, un acte d’amour, c’est manquer une rencontre, manquer un acte d’amour. Aussi, ma très Révérende Mère, mes Sœurs, merci de ce don que votre communauté offre au Seigneur et à l’Église. Merci aussi à votre famille. Portez-vous mutuellement les unes les autres, offrez-vous mutuellement à Dieu dans une infatigable et inépuisable conspiration de charité.
Les bras de Dieu demeurent ouverts sur cette maison qui porte le beau nom de Miséricorde pour que d’ici elle se répande sur le monde et sur les familles.
Quant à vous ma Sœur poursuivez votre route dans le prolongement de cette re-naissance, de ce nouveau baptême. Demeurez paisible au pied de Marie et apprenez à redire toujours avec elle votre « Oui » dans son « Oui. » « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Amen.

Messe en l’honneur de Marie, Reine et Mère de miséricorde

« Magnificat, Mon âme exalte le Seigneur. » Que dire de mieux pour ces 30 années. Mais aussi que dire à des moniales qui chaque soir chantent le cantique de Marie, qui puisse nourrir leur foi, leur espérance et leur charité ? D’autant que je ne dois pas être le premier évêque à vous parler du Magnificat, et vous avez sans doute déjà eu une session biblique sur le sujet. Mais la répétition étant la mère de la pédagogie, je m’y essaie !

Vos conférenciers vous ont certainement dit qu’il y a de multiples manières d’étudier le chant du Magnificat. Certains exégètes repèrent qu’il est tissé de paroles de l’Ancien Testament ; Marie unissant les deux Alliances. D’autres tentent de définir la structure du texte et proposent des découpages.

Eh bien je vais prendre le découpage qui me semble le plus simple et le plus facile à retenir ! Il s’agit de repérer deux strophes se terminant par le même mot, la miséricorde. La première strophe est une reconnaissance personnelle de l’amour de Dieu, et la seconde une reconnaissance universelle.

D’abord une reconnaissance personnelle de l’amour de Dieu : Après l’introduction « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! », Marie commence par chanter la Miséricorde dont elle reconnaît être l’objet de la part de Dieu : « Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! »

Puis la conclusion de la strophe sur la miséricorde : Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent », qui élargit la perspective, temporellement « d’âge en âge », et les bénéficiaires : « ceux qui le craignent ».

Puis vient donc la seconde strophe, une reconnaissance universelle de la miséricorde divine : « Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, avec sa conclusion : il se souvient de son amour. »

Donc chacune des deux strophes se termine par l’éloge de la divine miséricorde, dont les bienfaits personnels et universels sont le meilleur témoignage. Ce n’est pourtant pas évident à repérer dans les traductions liturgiques en Français. Pour la fin de la première strophe, verset 50, la nouvelle traduction liturgique est bien meilleure quand elle traduit : « Sa ‘miséricorde’ s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent » ; tandis que la précédente version disait « son ‘amour’ s’étend d’âge en âge ». Mais au verset 54, fin de la seconde strophe, la nouvelle traduction garde l’ancienne : « il se souvient de son ‘amour’ ». Alors qu’en réalité, dans le texte grec, c’est bien le même mot miséricorde qui utilisé à chacun de ces versets : ELEOS, la miséricorde, la pitié (on a chanté Kyrie Eleison), la compassion de Dieu ou de l’homme. Mais heureusement, vous chantez en grégorien et donc en latin, et là c’est bien le même mot qui est utilisé à la fin de la première strophe « Et misericordia ejus a progenie in progenies timentibus eum » Et à la fin de la seconde strophe « recordatus misericordiæ suæ ».

Après ces considérations savantes, qu’en tirer pour votre foi, votre espérance et votre charité.
Pour votre foi : Ce n’est certes pas à des moniales de l’abbaye ND de Miséricorde que je vais apprendre ce qu’est la miséricorde. D’autant que pape François, dans la bulle d’indiction du grand jubilé de la Miséricorde en 2015, nous a fait progresser dans cette foi. Il disait au §1 « Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père. Le mystère de la foi chrétienne est là tout entier. Devenue vivante et visible, elle atteint son sommet en Jésus de Nazareth. »

Oui, la manifestation la plus grande de la miséricorde divine est quand le Père, « riche en miséricorde » (Ep 2, 4) comme dit St Paul dans notre épitre, nous envoie son Fils. Alors on découvre le lien spécial de Marie avec la Miséricorde, et la justesse de ce titre de ND de Miséricorde, que porte votre abbaye et qui est le titre de la messe mariale que nous célébrons ce matin.

Le pape poursuit au §2 : « Miséricorde est le mot qui révèle le mystère de la Sainte Trinité. La miséricorde, c’est l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre. » Si vous reprenez les deux strophes, comment ne pas d’abord rendre grâce à Dieu avec Marie pour la miséricorde dont chacune d’entre vous a été l’objet ? Chacune d’entre vous, et chacun d’entre nous, a été regardé et appelé par Dieu avec amour. A chacun d’entre nous, Dieu envoie son Fils, par l’Esprit. Je vous invite à faire mémoire des moments de votre vie où Dieu vous a fait personnellement miséricorde. Dieu en a pris l’initiative : « C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. » dit st Paul aux Éphésiens.

Puis comment ne pas rendre grâce pour la miséricorde dont votre communauté a fait l’objet, dans sa fondation il y a trente ans et depuis. Et je pense à cet épisode récent de la pandémie qui a réussie à franchir les portes de votre clôture. Dieu vous a fait miséricorde.

Qu’en tirer pour votre espérance ? Dans votre nouveau site internet, vous avez un petit paragraphe merveilleux sur la Vie Fraternelle ; je vous cite : « La communauté monastique n’est pas le fruit d’affinités humaines : elle est rassemblée par le Christ qui a choisi et appelé chacun de ses membres. Comme dans une cordée que conduit le Christ, dont « on croit que l’abbé tient la place » (RB 2) nous marchons toutes ensemble vers la vie éternelle, expérimentant à la fois le support mutuel et la solitude pour Dieu. » Nous marchons toutes ensemble vers la vie éternelle. Vers la source de la miséricorde, la Trinité.

Oui, sa miséricorde s’étend d’âge en âge ! Depuis les 6 premières moniales venues de Jouques, qui s’installent en 1991 dans les bâtiments d’une ferme, jusqu’à la dernière postulante qui a travaillé dans votre atelier ultra moderne que j’ai béni il y a peu. En passant par votre cimetière qui commence à peine à être le témoin de cette fidélité de la miséricorde de Dieu d’âge en âge, avec la dernière et seconde ‘pensionnaire’, mère Myriam, que vous avez accompagné de vos prières dans la simplicité le 30 avril dernier alors que la Communauté était touchée par la pandémie. Et puis l’inauguration toute récente de votre infirmerie, où vos sœurs aînées demeureront en communauté pour se préparer à la rencontre de la miséricorde en personne, le Fils de Dieu, tourne vos yeux vers le Ciel.

Mais en attendant le Ciel, puisque le bon Dieu n’a pas voulu de vous toutes en même temps par le covid, qu’en tirer pour votre charité : Vous écrivez dans la suite de votre § sur la fraternité : « Construire une communauté fraternelle est une mission quotidienne pour chacune : c’est le témoignage que l’Église attend de nous. C’est dans la réalité concrète de la vie commune, tantôt joyeuse, tantôt purifiante, que se réalise la rencontre avec Dieu. » Oui mes chères sœurs, vous savez avec réalisme que votre mission quotidienne est de refléter les unes aux autres la miséricorde divine. De vous faire miséricorde. C’est ce qui rend d’ailleurs possible votre vie monastique. Et c’est ce qui rend rayonnante votre vie commune dans notre société individualiste.

Que votre miséricorde grandisse, en actes de Foi, d’Espérance et de Charité. Cette croissance viendra de l’accueil du don de Dieu. « Dieu est riche en miséricorde, proclame St Paul ; à cause du grand amour dont il nous a aimés ». Dont il vous a aimé, individuellement et en Communauté. Grand est le Seigneur, Magnus, Magnificat. Que votre âme exalte le Seigneur ! Amen.

« Veillez donc, car vous ne savez ni le jour, ni l’heure. »

 La parabole « des talents » est la dernière des trois paraboles « eschatologiques » que Matthieu a groupées autour du thème de la « Fin des temps. » Jésus nous invite à ne pas oublier notre « fin ».

 « Vous ne savez ni le jour, ni l’heure, veillez donc…, vous aurez à rendre des comptes. »

Le temps de l’histoire humaine, c’est le temps de « l’absence  du maître » : l’humanité est mise à l’épreuve comme des serviteurs à qui un maître à confié d’énormes responsabilités. Notre vie humaine se déroule sous le signe de Dieu qui paraît absent et qui s’est comme « retiré » pour donner toutes les initiatives à ses créatures. Cela ne témoigne t’il pas d’une immense confiance et d’un immense respect ?

« A l’un, le maître donna cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul, à chacun selon ses capacités. Puis il partit. »

 Au temps de Jésus, un « talent » était un lingot en argent ou en or.

Dieu nous fait confiance : « il leur confia ses biens ! ». Il s’agit donc d’une « gestion » : nous avons à gérer des biens qui ne sont pas les autres mais ceux de Dieu.  Ainsi, le sens profond de la parabole n’est pas d’abord sur le bon usage de « nos dons personnels » (même si cette explication morale peut-être utile.) Il s’agit surtout de notre coopération active au Royaume de Dieu : il nous a confié son Royaume, ses biens ! Des grâces à faire fructifier…

« Celui qui avait reçu cinq talents s’occupa de les faire valoir et en gagna cinq autres. De même, celui qui avait reçu deux talents en gagna deux autres. Mais celui qui n’en avait reçu qu’un creusa la terre et enfouit l’argent de son maître. »

La tentation est grande de nous comparer aux autres. Il nous faut pourtant résister. Il ne s’agit pas des talents des autres. Il s’agit de ma responsabilité à moi, de ce Royaume que le Seigneur m’a confié à travers, bien sûr, les « dons que j’ai reçus de Lui ». Chacun à « sa » place et « sa » responsabilité : « Il y a diversité de dons spirituels. A « l’un, » et on pourrait dire à « l’une » pour ce qui vous concerne mes sœurs,  est donnée une parole de sagesse, à une autre une parole de science, à une autre le discernement des esprits. On pourrait prolonger cette lettre aux Corinthiens. A l’une a été donné le don de la musique, à l’autre le don de la cuisine, de la pâtisserie,  à l’autre encore le don des confitures, à une autre le don des tisanes, à une autre a été donné le don de la gestion, de l’informatique, de la peinture, de la reliure, des enluminures, du soin des animaux, du jardinage que sais-je encore, à l’une le don du sourire, de l’accueil, de l’écoute, de la disponibilité ? En fait tout ce qui fait la richesse de votre communauté. Le corps est un tout en ayant plusieurs membres. » (I Corinthiens 12/4-12) Chaque membre est indispensable.

A ce point de notre méditation,  il est bon de nous demander quel est mon rôle unique, quels sont les talents que je suis seul à pouvoir faire fructifier. Je suis irremplaçable aux yeux de Dieu, pour la tâche qui est la mienne, avec les aptitudes, les qualités, les grâces qu’il m’a données. Vais-je les « faire valoir » comme les bons serviteurs, où les « enfouir » comme le mauvais serviteur ?

Le temps de l’absence du maître est long. Le temps de la fidélité est éprouvant. On peut imaginer que Dieu ne reviendra plus, qu’il est mort, inexistant. On peut organiser sa vie comme si Dieu n’existait pas.

Observons  le serviteur qui n’a reçu qu’un seul talent.

Celui qui avait reçu un seul talent s’avança ensuite et dit :

« Maître,  je savais que tu es un homme dur, tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain. »

Voilà, selon Jésus, le pire péché : dénaturer l’image de Dieu. Considérer Dieu comme un tyran inaccessible ! Toute la relation avec Dieu est faussée quand on commence par se défier de Lui. Nous reconnaissons bien notre tentation originelle pourrait-on dire : ne pas considérer Dieu comme un père plein d’amour, comme un Dieu qui fait alliance, mais le considérer comme une sorte de père Fouettard.

Comment pouvons-nous en arriver à une telle caricature   contraire à toute la révélation ?

« J’ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le vois. Tu as ce qui t’appartient. »

  C’est bien la méconnaissance de la vraie nature du rapport qui lie l’homme à Dieu. Ainsi, ce serviteur ne va pas être condamné parce qu’il a refusé de servir, ou parce qu’il a été paresseux, mais parce qu’il s’est fait de Dieu une idée inverse de ce qu’il est en réalité : il a eu peur de Dieu.

Il ressemble fort aux ouvriers de la première heure qui accusaient leur Maître d’être injuste, ou encore au fils aîné qui se trouvait en règle avec son père. Finalement cet homme, rempli de crainte manque de l’essentiel,  il n’aime pas son maître.

Ne reconnaissons-nous pas là l’attitude des pharisiens et des scribes ?

Il ne faut pas oublier que ce ne sont pas les personnes qui sont condamnées par Jésus. Il est trop facile de condamner les pharisiens. Ce que Jésus rejette, c’est une attitude envers Dieu qui peut toujours être là notre. Nous pouvons, nous aussi, chercher d’abord notre sécurité personnelle même en observant méticuleusement la loi ; et le serviteur se croyait en règle parce qu’il remettait à son maître la même somme que celle qu’il avait reçue. Pourtant il a déçu l’attente de son maître qui attendait infiniment plus. Il attendait un engagement risqué envers sa personne : il attendait  la foi, le beau risque de la foi ! Y a-t-il une foi authentique sans risque ?

Il nous faut avoir souci des intérêts de Dieu, miser toute notre vie pour Lui et faire fructifier ses biens.

Enfouir nos talents, c’est avoir l’obsession de la sécurité et éviter tout risque. La foi est tout autre chose. L’Évangile doit être proclamé. Etre disciple de Jésus, c’est faire fructifier le Royaume confié.  Celui qui ne pense qu’à conserver ce qu’il a reçu le rend stérile. L’Évangile ne nous a pas été donné pour que nous le gardions comme une sorte de trésor enfui et caché : nous sommes responsables de sa fructification. Le Maître, un jour, quand il reviendra nous demandera des comptes.

Nous voilà loin d’une bonne petite morale du rendement personnel. En partant au loin Jésus nous a confié la responsabilité qui était la sienne, faire grandir le Royaume.

Les textes de la liturgie de ce jour nous proposent trois dimensions différentes de l’expérience de la Pentecôte. La première d’entre elles, soulignée surtout par le passage des Actes des Apôtres, est l’aspect visible, extraordinaire, extérieur de cette expérience. Il y a les langues de feu, le fracas dans les cieux et le vent puissant, les disciples parlent en diverses langues et tous les comprennent. Ensuite il y a, dans le texte de Paul, l’aspect plus personnel : les disciples sont invités à déployer les dons de l’Esprit dans leur existence personnelle et à abandonner leur ancienne manière de vivre. Et il y a enfin, dans l’Evangile de Jean, la dimension plus profonde, plus intérieure et plus cachée, dans laquelle l’oeuvre de l’Esprit Saint est révélation de la vérité, c’est-à-dire de la vie de Dieu Lui-même, une révélation qui devient témoignage pour le monde. 

Selon notre sensibilité et notre expérience personnelle, nous serons plus ou moins sensibles à l’un ou l’autre aspect de la manifestation de l’Esprit. C’est toujours le même Esprit, qui se manifeste pour notre croissance spirituelle et pour notre bien. Quand nous avons besoin d’expériences sensibles plus fortes, plus visibles, l’Esprit devient alors explosion de joie et d’enthousiasme, ou sérénité au milieu de l’épreuve. Certes, nous ne percevons plus aujourd’hui les coups de tonnerre et les langues de feu, mais il existe, aujourd’hui encore, dans l’Eglise, de grands moments de fête et de plénitude.

Cependant, ce genre d’expérience ne dure pas. Avec le temps, ces manifestations extérieures laissent place à une dimension plus cachée de transformation et de guérison. Ce qui devient alors plus important, ce n’est plus ce que l’on sent, ce qui touche notre sensibilité, mais c’est plutôt la transformation progressive de notre manière de vivre. Ce changement suppose alors non pas tellement d’acquérir des dons, mais bien plutôt d’accepter de perdre. L’Esprit creuse en nous cet espace où la grâce de Dieu peut être accueillie. Après la joie exubérante et l’enthousiasme, il s’agit plutôt d’un temps de désert et de pauvreté intérieure. L’Esprit de Dieu nous donne de faire l’expérience de ce qui nous manque, de notre ignorance, de nos fragilités.

De fait, la lumière de la vérité nous permet alors de mieux percevoir tout ce qu’il y a de superficiel, de trompeur et de frivole dans notre existence. La présence de l’Esprit n’est plus synonyme d’exubérance, mais devient capacité de mieux voir ce qui ne va pas en nous et dans le monde. Cette présence de l’Esprit nous aide alors à percevoir ce que personne d’autre ne voit, ce que les Pères de l’Eglise nommaient les semences du Verbe, ces réalités spirituelles cachées au cœur même des êtres et des choses. La vérité fait naître alors en nous une espérance prophétique qui voit ce qui pourtant n’est pas encore visible. 

Ce labeur de purification et de guérison intérieure, l’Esprit Saint l’accomplit pour que nous puissions un jour parvenir à ce degré de l’homme spirituel promis par le Seigneur Ressuscité à chacun d’entre nous. Pour vivre de la vie de Dieu, cette transformation est absolument nécessaire, mais elle ne dépend pas de nous. C’est l’Esprit qui l’accomplit, bien souvent sans que nous en ayons conscience. Il nous faut humblement y consentir. Nous ne sentons rien, et peut-être avons-nous même l’impression d’être englués dans nos habitudes et notre obscurité, de faire du sur-place ou de régresser. Mais l’Esprit de Dieu nous sculpte intérieurement et nous guérit, dans les profondeurs de notre cœur. Là où il demeure avec le Père et le Fils, dans cette fine pointe de l’âme, dans ce sanctuaire intérieur qu’Il désire préparer en nous.

En l’année universelle saint Joseph, avec ouverture de l’année de la famille

En tant qu’ambassadeur du Laus auprès de vous, vous me permettrez s’il vous plaît d’honorer l’époux de Marie, en méditant dans cette homélie ses multiples apparitions à Benoîte Rencurel.

Elles sont un bel écho à sa discrète présence dans l’évangile : « Ton père et moi » (Luc 2,48), dit la Vierge Marie. C’est ainsi que la Mère de Dieu parle du couple qu’elle forme avec Joseph, dans la simplicité et la proximité de liens conjugaux qui trouvent au Laus un touchant prolongement.

Car si saint Joseph apparaît à Benoîte, c’est parce que la Mère de Dieu est auprès d’elle une patiente éducatrice. Comme toute bonne éducatrice, quand il le faut, la Vierge rejoint et fait grandir Benoîte en faisant appel à certaines compétences particulières, comme celle des anges ou de plusieurs saints.

Elle fait alors aussi logiquement appel à son plus proche après son Divin Fils : son cher époux tout disposé à lui prêter main forte… Et c’est bien nécessaire en la circonstance : pour rejoindre Benoîte dans certains combats par lesquels elle résiste à la grâce, la Vierge Marie a besoin de son efficace époux.

*       *       *

On compte ainsi 7 apparitions de saint Joseph à Benoîte Rencurel. 6 sont résumées dans une seule citation, la 7e est à part.

Les 6 premières sont rapportées dans les Manuscrits du Laus en l’année 1669. La bergère exerce sa mission auprès des pèlerins depuis 5 ans déjà, quand elle vit cette rencontre ainsi rapportée dans les Manuscrits du Laus : « Saint Joseph est apparu six fois à Benoîte, lui disant de prendre bien patience en gardant son troupeau et de bien le suivre sans se fâcher. » A priori, ce n’est pas une révélation éblouissante…Et pourtant !

D’abord, saint Joseph dit 6 fois la même chose, sans qu’on perçoive en lui une quelconque irritation. Pour ma part, j’ai du mal à dire 2 ou 3 fois la même chose sans m’impatienter ! Saint Joseph montre alors un bon exemple de cohérence entre sa parole et ses actes : c’est avec patience qu’il parle de patience ! Oui, avec patience, l’époux de Marie invite Benoîte à relire sa manière de travailler : comment s’occupe-t-elle de son troupeau ?

Sans doute un appel pour vous aussi, mes sœurs, à laisser le saint patron des travailleurs regarder un peu comment vous vivez vos travaux. Car avec la vie communautaire et la prière, le travail est un lieu essentiel de vérification de l’offrande concrète de nos vies. On ne triche pas avec le travail. Saint Joseph, fêté en plein Carême, aide alors à convertir nos manières de travailler et nos attachements à nos travaux. Il nous aide à discerner ce que nos activités disent de nos combats intérieurs, de nos péchés d’habitude ou de nos caractères pas encore pleinement évangélisés.

*       *       *

Ainsi pour Benoîte, généreuse et dévouée, mais pas toujours très patiente. La voilà donc qui reçoit cet avertissement bienveillant : « lui disant de prendre bien patience en gardant son troupeau et de bien le suivre sans se fâcher. »

 

On comprend que les conseils de saint Joseph ne concernent pas seulement la manière de mener des bêtes jusqu’aux pâturages. C’est une bergère des âmes que Benoîte doit toujours davantage devenir : bergère des âmes, attentive aux plus chétives, douce envers les plus peureuses, patiente avec les plus paresseuses. Si Benoîte n’aime pas jusque-là les pèlerins qu’elle doit guider, elle ne les mènera pas bien jusqu’aux pâturages de la miséricorde. Sa patience vérifie donc son réel souci des brebis, tandis que ses impatiences révèlent son ego encore trop marqué.

La patience !

Évidemment, dans une vie monastique ce combat n’existe pas… C’est en tous cas ce que pense beaucoup de monde de l’autre côté de votre clôture. Mais c’est sans doute l’un des plus grands combats pour toute vie humaine, dans toute vocation.

30 ans après ces 6 apparitions de saint Joseph, on lit dans les Manuscrits du Laus : Benoîte « avertit une [personne] d’être bien patiente, car il n’y a rien qui soit plus agréable à Dieu. » Et huit ans plus tard, son bon ange lui dit « que Dieu voulait qu’on ait le paradis par la patience. » Qu’on ait le paradis par la patience ! À bon entendeur !

*       *       *

Nul doute qu’en enseignant la patience, l’époux de Marie rend déjà disponible à la recevoir d’en haut. Mais pour que cette patience rejoigne le concret de nos humeurs changeantes, elle est conjuguée dans la bouche de saint Joseph à un autre comportement : « bien suivre son troupeau sans se fâcher. » Une obéissance de Benoîte à son troupeau, sans lui commander en maîtresse, mais en restant une guide vigilante pour qu’il ne se perde pas.

Là encore, c’est une image de sa mission auprès des pèlerins : les suivre sans se fâcher, et non les diriger à coups de bâton ! Un enseignement pour toute personne qui a une autorité sur les autres, mais une leçon aussi pour ceux qui doivent obéir : suivre sans se fâcher, voilà bien un difficile combat ! Souvent, on sait quand même se retenir de trop monter qu’on est fâché, mais à l’intérieur, ça bouillonne !

La Vierge du Laus avait déjà été très claire avec Benoîte. On lit dans les Manuscrits : « la bonne Mère a dit très souvent à Benoîte que les prières que l’on faisait à Jésus ne lui étaient pas agréables quand on se chagrinait et qu’on était fâché. » Le bon ange de Benoîte insiste lui aussi : « Il lui dit que, lorsqu’on est joyeux, tout ce qu’on fait est agréable à Dieu et que, quand on se fâche, on ne fait rien qui lui plaise.»

 

Mes sœurs, nul doute que vous désiriez profondément mener une vie qui plaise au Seigneur. Voyez donc quel chemin de conversion le Ciel appelle ici à prendre et à reprendre chaque jour : quand on est joyeux, tout ce qu’on fait est agréable à Dieu ; quand on se fâche, on ne fait rien qui lui plaise !

*       *       *

Les 6 interventions identiques de saint Joseph auprès de Benoîte sont donc bien précieuses pour nous tous. La 7e pourrait sembler plus anecdotique. Elle est rapportée ainsi : « Saint Joseph apparaît à Benoîte et lui dit que, parce que le frère [Aubin] parle toujours de la dévotion (du Laus), on veut le mettre au fond d’un cachot pour ne jamais l’en sortir. »

 

 Le frère Aubin, c’est cet ermite, ami de Benoîte, l’un des 4 auteurs des Manuscrits du Laus ; autant dire qu’il a une place cruciale dans la diffusion du message et dans la pérennité du sanctuaire. C’est pourquoi une menace pèse sur lui : « on veut le mettre au fond d’un cachot pour ne jamais l’en sortir. »

Or, saint Joseph s’y connaît en matière de menaces : il a dû protéger la sainte famille de celles d’Hérode. Devenu protecteur de l’Église, il veille concrètement sur tout ce qui la concerne, et sans doute particulièrement sur les lieux de grâces que sont nos sanctuaires et monastères. Nous croyons que la Vierge Marie, Mère de l’Église, nous protège de son manteau maternel ; la statue de la Vierge qui orne votre belle chapelle en est un magnifique rappel. Nous croyons aussi que saint Joseph continue son efficace mission de protection face à toutes les menaces qui pèsent sur l’Église.

Mais remarquez que, si saint Joseph prévient Benoîte, il n’agit pas à sa place en prévenant lui-même le frère Aubin. C’est bien l’expérience que Joseph lui-même avait faite : l’ange l’avait prévenu des intentions d’Hérode, mais n’avait pas agi à sa place. Ainsi, saint Joseph met devant nos yeux cette mystérieuse collaboration par laquelle Dieu décide d’avoir besoin de nous.

Nous sommes à la fois des serviteurs inutiles et des bien-aimés dont le Seigneur a besoin pour accomplir ses desseins. Mes sœurs, vous êtes bien ici pour cela : parce que le Seigneur a besoin de vos vies. Comme il a eu besoin du lait de Marie et du courage de Joseph, il a besoin aujourd’hui de vos prières, de vos travaux et de votre charité fraternelle ; comme il a besoin des mains des prêtres, de l’amour conjugal des couples, de l’unité des familles, du sourire des enfants, de l’enthousiasme des jeunes, de la fidélité des anciens… Tout cela, le Seigneur en a besoin !

Par l’intercession de saint Joseph, ne refusons donc pas de donner à notre Dieu tout ce dont il a besoin pour que sa gloire rayonne sur le monde. Comme l’époux de Marie, donnons-nous sans discuter, sans avoir peur…car nous sommes protégés, sans impatience… car l’Éternel porte tout, et sans nous fâcher… pour être d’authentiques témoins de la joie du Ciel. Amen

18 Mai 2021

St Jean XVII, 1 – 11a

            Les Ecritures établissent un lien particulier entre vie et connaissance. Jésus reprend ce thème de la prière qu’il adresse au Père : « La vie éternelle c’est qu’ils te connaissent ! »

            A l’opposé, l’endurcissement, l’aveuglement, l’ignorance, l’erreur, l’oubli conduisent invariablement à la mort.

            Reprenant le cri du prophète Isaïe, Jésus se lamentera ainsi : « ils ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas ».

            Au début du prologue de sa Règle, saint Benoît reprend le thème de la vie, aux versets 14 et suivants, en faisant de l’amour de la vie, le critère de cette authentique valeur monastique : « qui aime la vie et désire voir des jours heureux ? « 

            Cette question, le Seigneur l’adresse à chacun d’entre nous. Le choix de la vie conduit à ouvrir cette oreille du cœur, à vivre l’obéissance qui permet de retourner à Celui dont nous a éloignés la désobéissance. Obéissance qui nous ouvre à la véritable connaissance. Vie, écoute, connaissance sont une des clés offertes par saint Benoît pour comprendre ce passage de l’évangile de Jean. La vie, c’est de connaître le Père ! Et connaître le Père est la clé du véritable bonheur.

19 Mai 2021

St Jean XVII, 11b – 19

            Dans l’Evangile de ce jour, Jésus distingue trois réalités : les disciples, le monde et le mauvais. Le monde se distingue clairement du mauvais.

            St Paul reprend ces mêmes distinctions en y ajoutant une précision importante : le mauvais, les loups comme il dit, peuvent surgir du dehors, du monde, mais aussi du dedans, de la communauté des croyants. Nous sommes très loin d’une opposition simpliste entre les disciples et le monde. Le véritable problème, c’est de se garder du mauvais. Et notre petite expérience nous enseigne que ce mal est bien souvent tapi au plus profond de notre propre cœur. Non pas de l’autre, le voisin, mais en nous.

            Ce combat est de toujours et jamais il ne cessera pas. Mais c’est un combat gagnan-gagnant. Le Christ a vaincu le mal et sa mort est notre victoire. Il nous suffit de nous appuyer sur Lui, de nous nourrir de Lui, et de sa Parole.

            Ce choix du bien restera un combat. C’est un choix de liberté et d’amour. Un choix qui nous conduira dans les pas de jésus. Un choix qui fera de nous, par grâce, des êtres vraiment libres

21 Mai 2021

 St Jean XXI, 15 à19

            Par trois fois Jésus demande à Pierre : « m’aimes-tu ». Par trois fois le moine redit le verset au milieu de la nuit : « Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange ». Par trois fois le nouveau profès demandera : « Accueille-moi, Seigneur, selon ta parole, et je vivrai. Ne déçois pas mon attente » (RB 9).La demande du moine se répète comme en écho à celle du Seigneur, par trois fois, comme si le moine devait prendre conscience de la fragilité de son amour, de la pauvreté de son cœur. Comme Pierre le premier des Apôtres, il nous faut parcourir ce chemin vertigineux qui conduit du désir d’aimer à notre incapacité d’aimer. Pour pouvoir rester, pour avoir la force de continuer dans notre vocation, il nous faut découvrir  combien nous sommes pauvres et fragiles, mais surtout combien la grâce de Dieu ouvre nos lèvres et nous accueille, au creux de cette pauvreté !

22 Mai 2021

St Jean XXI, 20…

            Il existe un lien secret, unique, entre Simon Pierre auquel Jésus demande par trois fois : m’aimes-tu ? » Et ce disciple que Jésus aimait. Le premier est invité à aimer et à servir, le second se sait aimé du Seigneur. Entre Pierre et Jean, c’est toute la vocation chrétienne qui s’exprime : celui qui apprend à aimer en servant, celui qui se découvre  aimé toujours d’abord par Jésus. Ces deux facettes de l’amour, ces deux vocations à aimer expriment le mystère de toute vocation chrétienne. Aimer et se laisser aimer. Servir et suivre. Dans les deux cas, perdre le contrôle de sa vie, donner sa vie, entre les mains de Jésus. Et le jour où nous célébrons la mémoire de la Vierge Marie, il importe de se tourner vers elle qui a su se laisser aimer, qui a aimé et qui nous apprend aujourd’hui à nous laisser aimer.

Vivement le Ciel ! Saint Jean dans son Apocalypse nous décrit une vision du Ciel. On a souvent présenté la Vie religieuse comme une anticipation du Ciel. Et bien les moines et moniales nous en offrent également une vision, car ils commencent sur terre ce que nous accompliront au Ciel. Je retiens 4 citations de ce passage de l’Apocalypse :

1/ Saint Jean contemple « une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer,une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. » Quel lien peut-on faire entre cette foule immense et la vocation monastique ? Peut-être nous rappeler que la vocation d’une moniale n’est pas une vocation égoïste pour faire son salut propre, mais elle est d’entraîner le monde vers Dieu. Don Delatte, abbé de Solesme, dans son commentaire sur la Règle de saint Benoît écrivait : « Nous consentons à ne rien produire qui se voit et se palpe et à n’avoir pas d’autre utilité que celle d’adorer Dieu. Nous croyons pourtant à la valeur apostolique et sociale de notre prière, et nous pensons atteindre directement par elle non seulement Dieu, mais encore le prochain. Sans parler de son influence secrète sur la marche providentielle des événements, n’y a t’il pas une prédication très efficace dans le spectacle d’un office divin dignement célébré ? »

2/ « Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau » … « se jetant devant le Trône, face contre terre,ils se prosternèrent devant Dieu ». Ils alternent la position debout, signe de la Résurrection à venir, et la prosternation ; on croit assister à une profession solennelle.  Au moment de votre consécration, vous allez vous prosterner, signe d’une remise totale de votre personne à Dieu. Saint Théodore Studite définissait ainsi au 9ème siècle la vie monastique: « Le moine est celui qui n’a de regard que pour Dieu seul, de désir que pour Dieu seul, et qui, ne voulant servir que Dieu seul, devient cause de paix pour les autres ». C’est le sens des voeux monastiques que vous prononcerez dans quelques instants et qui sont incompréhensibles pour notre temps. Leur aspect contestataire a cela de commun avec les béatitudes, contestant une fausse idée du bonheur. Quand le monde dit bienheureux les riches, Jésus dit bienheureux les pauvres, et vous prononcez le voeux de pauvreté ! Quand le monde dit bienheureux les puissants, Jésus dit bienheureux les doux et vous prononcez le voeux d’obéissance !

Dans la tradition bénédictine les voeux religieux sont répartis de la manière suivante :

– D’abord la Règle de saint Benoît prévoit un voeu de stabilité, toute la vie dans une même abbaye, ici à Rosans, sauf si vous êtes envoyée en fondation comme vos aînées venues de Jouques. Qu’est-ce qui pousse une jeune femme à décider d’entrer définitivement en clôture comme vous allez le faire ? Ce n’est pas par souci de diminuer votre empreinte carbone, en arrêtant de voyage, ce qui serait déjà bien, mais c’est parce que vous avez découvert que la vraie aventure est intérieure, l’exploration du monde intérieur, de la contemplation, du monde de Dieu.
– Puis pour garder trois voeux, la tradition bénédictine regroupe les voeux de chasteté et pauvreté, dans le voeu de suivre le chemin de l’évangile et de conversion ; pour suivre le mode de vie de Jésus. Ainsi le célibat sacré qu’il a embrassé, ainsi la pauvreté. Comme dit notre psaume : « Au Seigneur, le monde et sa richesse. »

– Et enfin le voeu d’obéissance, qui rend disponible à la volonté de Dieu.

3/ Ils étaient « vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main » « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. » Pour vous cela va d’abord être une coule noire, car la grande épreuve est la vie elle-même.

Ces paroles de saint Jean m’ont fait penser dans la nouvelle traduction du Missel romain en français, utilisable à partir du 1er dimanche de l’Avent, à l’embolisme, la prière qui développe et amplifie la dernière demande du ‘Notre Père’. Nous supplions le Seigneur de nous délivrer de toute sorte de mal et de nous protéger de toute épreuve en cette vie, nous qui attendons ici-bas que se réalise la “bienheureuse espérance”, c’est-à-dire l’avènement de Jésus Christ, je cite la nouvelle traduction : “Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps : soutenus par ta miséricorde, nous serons libérés de tout péché, à l’abri de toute épreuve, nous qui attendons que se réalise cette bienheureuse espérance : l’avènement de Jésus Christ, notre Sauveur.” A l’abri de toute épreuve, cela peut sembler audacieux comme traduction, car les épreuves ne manquent jamais dans une vie et dans une vie monastique ! Mais vous serez soutenue par la miséricorde divine ; cette miséricorde sera votre abri, son coeur miséricordieux sera votre demeure.

4/ « Le salut appartient à notre Dieuqui siège sur le Trône et à l’Agneau ! » « Amen ! Louange, gloire, sagesse et action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu, pour les siècles des siècles ! Amen ! » Au ciel, ce sera une prière de louange pure, désintéressée. On le sait, les moines ne cherchent pas à servir à quelque chose, mais à servir quelqu’un, Dieu. A lui rendre l’honneur qui lui est dû.

En conclusion, revenons sur le bonheur paradoxal scandé par Jésus dans les Béatitudes : Bienheureux ! Chacun de nous, selon notre vocation propre, est appelé par Dieu à la sainteté. C’est cela le vrai bonheur, car comme le disait magnifiquement Léon Bloy, « il n’y a qu’une tristesse, c’est de n’être pas des saints ». La vie monastique est l’une des réponses pour répondre à notre vocation commune à la sainteté et trouver ce bonheur.

Le 5 octobre 1986 au stade Gerland à Lyon, saint Jean-Paul II a prononcé des paroles qui ont profondément marqué ma jeunesse. Je le cite (§16) : « Dans le Corps du Christ, (des) membres se sentent appelés à tout quitter pour suivre le Christ à la lettre, dans la vie religieuse ou les instituts de vie consacrée, en demeurant chastes, pauvres, disponibles, pour mieux signifier le Royaume de Dieu à venir. C’est une merveilleuse vocation, essentielle elle aussi à l’Eglise. Elle ne s’explique que par un surcroît d’amour pour le Christ, comme celui de la fiancée pour l’époux. Bienheureux ceux qui entendent cet appel, et qui ne l’étouffent pas ! » Amen !

En découvrir un peu plus sur
l'Abbaye Notre-Dame de Miséricorde à Rosans